Avant de parler de la papauté, il faut d'abord relire ces fameux versets de l'Évangile qui font encore aujourd'hui sa fortune.
Voici ce que nous lisons en Matthieu 16.18-19 :
« Et moi, je te dis (Jésus s'adresse à l'apôtre Pierre) que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. »
La traduction littérale du grec donne : « Tu es "caillou" et sur ce "rocher" je construirai mon Église ». Le jeu de mots transcrit en français fait de l'apôtre une pierre, la première pierre, en quelque sorte, que Jésus posera le jour de l'inauguration de la construction de son Église, c'est à dire, à la Pentecôte. En effet, ce jour-là, bien que les douze apôtres aient tous été remplis du Saint-Esprit, c'est Pierre qui prit le premier la parole devant la foule et eut ainsi le privilège d'inaugurer la construction de l'Église de Jésus-Christ :
« Alors, Pierre, se présentant avec les onze, éleva la voix, et leur parla en ces termes : Hommes juifs, et vous tous qui séjournez à Jérusalem, sachez ceci et prêtez l'oreille à mes paroles ! » (Actes 2.14).
Ou la mort ne pourra rien contre l'Église de Jésus-Christ qui est le Premier ressuscité d'entre les morts.
Avec ces clefs, Pierre va ouvrir les portes du Royaume des cieux, donner ainsi libre accès à la grâce que Dieu offre aux hommes par le sacrifice de son Fils mort sur la croix pour nos péchés (Jean 3.16). Dans le livre des Actes des Apôtres, nous voyons, en effet, Pierre ouvrir la porte du Royaume successivement :
Ainsi se trouvait réalisée la promesse que Jésus avait faite à ses apôtres :
« Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités des la terre » (Actes 1.8).
Les portes étant ouvertes, il restait aux apôtres et aux futures générations de disciples à poursuivre l'œuvre ainsi inaugurée par Pierre. Cependant, dans tout cela, nous ne devons jamais oublier que Dieu reste le Maître Souverain ; les hommes qui annoncent sa Bonne Nouvelle ne sont que des instruments dans sa main.
Lier et délier signifiait dans le langage des rabbins : interdire ou permettre.
Ici, il faut d'abord remarquer que cette prérogative n'est pas particulière à Pierre puisqu'en Matthieu 18.18, Jésus l'accorde aussi à l'ensemble de ses disciples :
« Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux »
Il s'agit de l'autorité que les apôtres exerceront dans l'Église par l'Esprit Saint :
« Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous rejette me rejette ; et celui qui me rejette rejette celui qui m'a envoyé » (Luc 10.16).
Ainsi les hommes qui accepteront le message de l'Évangile seront déliés de la servitude du péché et du pouvoir de la mort, tandis que les hommes qui le rejetteront resteront liés.
Pierre (et les apôtres) ont donc bien été institués par Jésus pour servir de fondations à son Église. Et tout homme qui a choisi de reconnaître en Jésus son Sauveur devient à son tour une « pierre vivante » de cette Église :
« et vous-même, comme des pierres vivantes, édifiez vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d'offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ » (1 Pierre 2.5).
Cependant, dans l'édification de l'Église, ne perdons jamais de vue que le seul fondement est le Christ :
« Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ » (1 Corinthiens 3.11).
De même, Pierre n'a-t-il pas dit devant le sanhédrin :
« Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, et qui est devenue la principale de l'angle » (Actes 4.11).
« Lorsqu'il fut dans la maison, Jésus leur demanda : De quoi discutiez-vous en chemin ? Mais ils gardèrent le silence, car en chemin ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. Alors il s'assit, appela les douze, et leur dit : Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous ». (Marc 9.33-35)
La question que nous posons, à présent, est : à travers les deux versets de Matthieu 16.18-19, peut-on voir l'institution claire par Jésus de la papauté de l'Église Catholique ?
Comme nous venons de le voir, il est incontestable que le Christ a désigné Pierre comme un apôtre privilégié dans l'inaugura-tion du Royaume offert par Dieu aux hommes.
Les évangiles nous montrent que Pierre était un homme solide, énergique, enthousiaste, impulsif. A partir de la Pentecôte, les Actes nous révèlent un Pierre rempli de conviction, courageux, absolument sans crainte, entraînant les onze dans son sillage. Enfin, on doit remarquer que chaque fois que le Nouveau Testament donne la liste des 12 apôtres, Pierre est cité en premier (Matthieu 10.2-4, Marc 3.16-19, Luc 6.14-16, Actes 1.13).
En tant que chef des douze il est probable que Pierre ait visité certains centres de l'Église dans le monde romain.
L'Ecriture ne nous donne aucune indication en dehors de ses deux épîtres. La plupart des spécialistes sont d'accord pour dire qu'il est vraisemblable que Pierre soit allé à Rome et y soit mort martyr, mais ce n'est pas sûr.
Il n'est pas possible que l'on fasse dire à Jésus, en lisant Matthieu 16.18-19 qu'il désignait Pierre comme le chef de toute la chrétienté et à travers lui, tous les évêques de Rome qui ont pris plus tard le nom de Pape.
En effet, nul n'a besoin d'être un historien érudit pour prouver que les premiers évêques de Rome ne se faisaient pas appeler « papes » et qu'ils n'exerçaient aucune autorité spirituelle sur l'ensemble de l'Église. D'ailleurs, les historiens catholiques eux-mêmes le reconnaissent.
Si Jésus avait vraiment désiré que l'ensemble de la chrétienté reste soumise à un haut responsable humain, en l'occurrence Pierre et les futurs évêques de Rome, il l'aurait dit clairement, de manière à ce que cette autorité soit incontestable et ne devienne pas, par la suite, source de divisions internes dans son Église, comme ce sera le cas avec la papauté romaine. De plus, Jésus aurait demandé aux autres apôtres de se soumettre à l'autorité spirituelle de Pierre. Et, bien sûr, la reconnaissance de cette autorité spirituelle aurait commencé à apparaître dès les écrits du Nouveau Testament.
On peut enfin remarquer que le verset de Matthieu « Tu es Pierre... » ne se rencontre qu'une seule fois dans tout le Nouveau Testament ; même Marc, le secrétaire de Pierre, ne le mentionne pas.
C'est que l'église de Rome, en raison de son importance de plus en plus grande, a fini par dominer l'ensemble de la chrétienté. Pour justifier sa primauté, elle s'est appuyée après coup sur les fameux versets de Matthieu 16.18-19 et a reconstitué a posteriori la liste des « premiers papes ». On est alors passé de l'Église Universelle de Jésus-Christ à l'Église Catholique romaine. Au fil des siècles, les chrétiens restés fidèles à Jésus et sa Parole, ou désirant y revenir, se retrouveront dès lors en position marginale face à la puissante Institution romaine.
En bref : les papes revendiquent la suprématie dans l'Église au titre de successeurs de Pierre, auquel, disent-ils, le Seigneur a exclusivement confié les clefs du Royaume des cieux (Catéchisme de l'Église Catholique, art. n° 936).
En réalité, tout disciple de Jésus sait que son Sauveur est :
« le Saint, le Véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre et personne ne fermera, celui qui ferme et personne n'ouvrira ». (Apocalypse 3.7).